“Corps de ferme” est un huis-clos qui nous montre la vie dans une ferme du point de vue des animaux. Ce sont eux les témoins de ce qui s’y passe et qui nous racontent les difficultés, la rigueur, les secrets, les non-dits, la violence etc. Un roman cru à la narration particulière et saccadée qui séduit ou étonne. Vous ne resterez pas indifférents.
Vous pouvez retrouver “corps de ferme” en librairie depuis le 10 janvier 2024. Les lecteurs de la médiathèque le découvrent depuis mai 2024. Trop contente d’avoir pu mettre la main dessus.
L’histoire
Dans “corps de ferme” ce ne sont pas les humains qui racontent leur histoire : les relations interpersonnelles parfois compliquées, notamment entre les deux frères ; les difficultés financières ; les secrets enfouis ; les odeurs et les sons d’une ferme ; la traite des vaches ; le rapport aux animaux etc. Tout est raconté du point de vue des animaux qui côtoient ces hommes : la vache, la chienne, le chat et la pie. Ce sont les témoins de la tragédie qui se joue dans cette ferme.
Retour de lecture
J’ai vu des avis très mitigés pour “corps de ferme” (ce qui ne m’étonne pas). Pour ma part je fais partie de ceux qui ont adoré ! L’écriture est hachée et avant tout dans du ressenti. La plume d’Agnès de Clairville a très bien fonctionné avec moi, j’ai été entraînée dans un maëlstrom de sensations. J’ai aimé cette façon originale de nous montrer les drames qui se déroulent sous les yeux de ces animaux sous forme de tragédie (il y a même le chœur des porcelets). C’est âcre, c’est dur, c’est original, c’est violent, c’est prenant, c’est incroyable ! J’ai eu beaucoup de mal à lâcher ce roman qui m’a profondément touchée.
Corps de ferme : les animaux et les hommes qui le composent
Nous alternons les points de vue entre une vache, une chienne, un chat et plus tard une pie. Ce sont eux qui ont la parole et qui racontent à la fois leur vie dans cette ferme et ce qu’ils observent de la vie des hommes qui vivent avec eux. Les animaux sont des témoins du quotidien à qui Agnès de Clairville donne une voix et une interprétation à ce qui se passe. Il y a donc un peu d’anthropomorphisme dans le roman (ce qui n’a pas plu à tout le monde.)
L’histoire dans sa globalité est assez sombre entre ce que vivent les animaux (le retrait des veaux aux vaches qui ne le vivent pas bien, l’envie de plaire au maître pour la chienne…) et ce que vivent les humains (je garde le secret mais ils cumulent…)
Il n’y a pas de précision de dates, ce qui rend cette histoire un peu intemporelle. Est-ce une représentation de la vie rurale ? C’est surtout la représentation d’une famille saccagée par des secrets, des violences interpersonnelles, des traumatismes…
Le tout, encore une fois, vu à travers les yeux des animaux qui donnent leur avis. Les humains font peu de cas parfois d’eux alors qu’ils voient beaucoup. Le fermier le dit lui-même, les animaux sont utiles, c’est tout (quand l’un des fils s’attache à eux.) J’ai été touchée par ces animaux de ce “corps de ferme” et leurs témoignages…
Le conseil de la bibliothécaire
“Corps de ferme” est difficile à conseiller à un profil particulier… j’aurai tendance à le conseiller à ceux qui sont intrigués par l’angle de cette histoire, qui sont curieux d’essayer et qui se sentent l’âme aventureuse. Peut-être détesteront-ils comme certains lecteurs ou adoreront-ils ? Si vous aimez les histoires crues et bien écrites je pourrai aussi vous conseiller les romans de Jenni Fagan (qui divise aussi les lecteurs) avec “la sauvage” ou dans un autre style “la fille du diable.” Et pour ceux qui veulent de l’incisif sans le cru, essayez Sophie Divry (moins clivante) avec, par exemple, “Fantastique histoire d’amour“.
Je l’ai pas mal vu passer ce titre-là et ma foi j’ai fini par le noter, même si je connais d’assez près la vie dans une ferme je trouve intéressant de la montrer du point de vue des animaux. Merci pour ta chronique comme toujours très intéressante à découvrir.